Psychomotriciens considérés par les URSSAF comme une profession commerciale : une situation ubuesque !

Résumé

Le PLFSS2018 a modifié la réglementation concernant les professions libérales mentionnées à l’article L.640-1 du Code de la Sécurité Sociale. Or le législateur a omis de citer nommément la profession de psychomotricien dans la nouvelle liste, tout en citant toutefois les auxiliaires médicaux dont font partie les psychomotriciens.

En conséquence, les URSSAF, qui ont la charge de traiter les ouvertures administratives des nouveaux cabinets de psychomotricité, ont une interprétation erronée de la nouvelle version de l’article L640-1 du CSS et considère désormais les psychomotriciens comme une profession libérale non réglementée devant être gérée comme des commerçants ! 

Cette absurdité a des conséquences énormes pour la profession de psychomotricien, allant du changement de code APE à la modification du régime de retraite et engendrant des différences de traitement entre les professions de santé qui n’ont pas lieu d’être. La profession est mobilisée pour faire rectifier cette erreur, notamment via un amendement au PLFSS2021, une solution que rejette pour l’heure le Ministère de la Santé.

Télécharger Courrier Type de demande de modification de Statut « Commerçant » au profit de « Profession Libérale Réglementée »

Contexte juridique

La loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la Sécurité sociale pour 2018 a modifié, de par le 40° de l’ article 15, la réglementation concernant les professions libérales mentionnées à l’article L.640-1 du Code de la Sécurité Sociale.

A compter du 1er janvier 2018, pour les personnes exerçant sous le statut de la micro-entreprise, et à compter du 1 er Janvier 2019 pour les personnes exerçant sous le régime réel, seules les professions expressément mentionnées à l’article L.640-1 du Code de la Sécurité Sociale sont qualifiables de «professions libérales dites réglementées » selon l’URSSAF. (Voir l’article L.640-1 du Code la Sécurité Sociale dans sa version en vigueur)

Or, lors de la rédaction de cet article 15, le législateur a complété l’article L640-1 par « psychothérapeute, psychologue, ergothérapeute, ostéopathe, chiropracteur, diététicien » omettant de citer la profession de Psychomotricien aux coté des autres professions non conventionnées. Néanmoins, l’article L.640-1 du CSS mentionne expressément « auxiliaire médical » dans sa liste de profession. Or, les psychomotriciens appartiennent de fait à la catégorie « auxiliaire médical », cela en vertu de l’article 15 de la loi du 4 février 1995 introduisant l’article L504-9 dans le Code de la Santé Publique, qui précise bien que « les psychomotriciens exercent leur art sur prescription médicale » et sont donc des auxiliaire de médecine inscrit au Livre III de la partie IV du code de la Santé Publique. Par conséquent, les psychomotriciens sont implicitement visé par ce fameux article L640-1 du CSS, au même titre que les kinésithérapeutes, orthophoniste, etc., du fait de leur statut d’auxiliaire médical.

Malheureusement, la ou les personnes / services qui ont écrit cet article 15 ont commis une erreur de rédaction manifeste. Pourtant deux possibilités, simples et claires, s’offraient à eux pour modifier correctement le CSS : soit il s’agissait de citer nommément toutes les professions auxiliaire de médecine, sans en oublier aucune, soit n’en citer nommément aucune et les garder toutes regroupées toutes sous le terme « auxiliaire médical » comme c’était le cas dans la version précédente de cet article L.640-1. Le choix s’est étrangement porté sur un mélange des deux options, choix probablement issu d’une méconnaissance par le ou les rédacteur(s) de ce qu’est exactement un auxiliaire médical, et de la liste exhaustive des professions concernées. C’est cette erreur inadmissible qui va avoir des conséquences ubuesques qui n’auraient jamais du avoir lieu.

D’où vient le problème ?

Les psychomotriciens n’étant pas expressément mentionnés dans cet article L.640-1, les services de l’URSSAF, qui ont la charge de traiter les ouvertures administratives des nouveaux cabinets, ont donc unilatéralement choisi de considérer que la profession de psychomotricien n’est pas auxiliaire médicale et, étant absente de l’article, relevait des « professions libérales non réglementées », devant être gérées comme des commerçants. L’argument sous tendant cette interprétation serait que le statut d’auxiliaire médical visés par l’article L.640-1 du CSS serait réservé aux seules professions sous convention avec l’UNCAM, raison pour laquelle les professions d’Ergothérapeute et de Diététicien (elles aussi auxiliaires de médecine, mais non conventionnées avec l’UNCAM, comme les psychomotriciens) sont expressément citées dans cet article. Cela revient à dire que l’URSSAF considère que le législateur aurait volontairement retiré les psychomotriciens de la liste.

Or, comme le cadre juridique précédemment présenté le précise, la profession de psychomotricien est bel et bien une profession réglementée car auxiliaire médical. Si le choix avait réellement été de retirer les psychomotriciens de la liste, alors le législateur aurait du citer nommément la liste exhaustive de toutes les autres professions auxiliaire de médecine, ce qui n’est pas le cas car il a choisi de conserver le terme « auxiliaire médical’ dans l’article L.640-1 du CSS. Il s’avère donc que les URSSAF ont fait le choix d’une lecture erronée du cadre règlementaire.

Nous subissons donc les conséquences de la superposition de deux erreurs : une de rédaction de l’article 15 du PLFSS2018, et une d’interprétation du cadre réglementaire de la part des URSSAF.

Pourquoi l’interprétation de l’URSSAF est-elle fausse ?

La Fédération Française des Psychomotriciens et l’Association Française des Psychomotriciens rappellent que le statut d’auxiliaire médical découle du fait que les actes dispensés par la profession concernée sont effectués sur prescription médicale. Le lien avec les modalités de financement de ces actes (prise en charge avec l’assurance maladie ou coût entièrement à la charge du patient) n’a pas lieu d’être car la prescription qui associe le médecin prescripteur au psychomotricien est totalement isolé des modalités des financement de ces mêmes actes. Nous rappelons à ce sujet que le principe de la prescription médicale, comme c’est le cas pour les interventions menées par les psychomotriciens en vertu de l’Article R4332-1 du CSP, est d’une part de valider, indiquer et  formaliser la délivrance d’un acte thérapeutique, et d’autre part d’attester d’un besoin d’un acte thérapeutique auprès de l’assurance maladie : ce sont deux dimensions différentes de la prescription, et la première notion n’implique pas nécessairement que la deuxième soit effective.

Rappelons enfin que le Code NAF/APE des psychomotriciens est bien le 8690E – Activités des professionnels de la rééducation, de l’appareillage et des pédicures-podologues.

Quelles sont les conséquences de cette erreur d’interprétation de la part des URSSAF ?

Les conséquences sont de plusieurs ordres. La première est évidemment la non-reconnaissance, par les URSSAF, de notre statut de profession réglementée. Partant de ce principe, les psychomotriciens peuvent notamment :
– ne pas se voir attribuer le bon code NAF/APE ;
– être inscrits au régime général de retraite alors qu’ils devraient être directement affiliés à la CIPAV ;
– avoir des droits à prestation d’assurance maladie différent ;
– être appelé à cotiser à l’AGEFICE (Fonds d’Assurance Formation du Commerce, de l’Industrie et des Services) en lieu et place du FIFPL (Fond Interprofessionnel de Formation des Professionnel Libéraux), pouvant donner des montants de cotisation et des droits de financement différents ;
– se voir appliquer par l’URSSAF, dans un futur proche, des assiettes de cotisation différentes de celles des autres professions de santé ;
– ne pas se voir octroyer les mêmes indemnités journalières que les autres professions de santé ;
– Et probablement d’autres que nous n’avons pas encore clairement identifié…

Tout ou partie de ces conséquences s’appliquent aux psychomotriciens qui se sont installés après 2018. De ce fait, il est non seulement créé une inégalité de traitement entre les psychomotriciens et toutes les autres professions de santé, ce qui est purement inadmissible, mais également entre les psychomotriciens eux-mêmes selon qu’ils se soient installés avant ou après cette modification du Code de la Sécurité Sociale que nous demandons de rectifier.

Quelles sont actuellement les démarches entamées par la FFP et l’AFPL mettre fin à cette aberration ?

Depuis plusieurs mois, la FFP et l’AFPL ont interpellé les services de la Direction de la Sécurité Sociale – DSS, administration compétente en la matière. Les premiers retours ont été, de prime abord, l’étonnement et l’incompréhension du problème . Si les premiers argumentaires développés par la FFP et l’AFPL ont donc permis que la question puisse être ouverte, les services n’ont malheureusement pas donné suite, malgré le fait que le caractère problématique de la situation soit finalement bien admis.

La FFP et l’AFPL ont identifié et proposé 2 solutions simples pour remédier à ce problème :
– Soit le mot « psychomotricien » doit être rajouté à l’article L.640-1 du CSS ;
– Soit une circulaire doit être émise à l’endroit de toutes les URSSAF de France, afin qu’elles appliquent strictement le code de la Sécurité Sociale et respectent la réglementation en vigueur en reconnaissant les psychomotriciens comme profession réglementée du fait de son statut d’auxiliaire médical.

Afin de réactiver le dossier, la FFP a fait des demandes auprès des parlementaires pour que l’erreur soit réparée via un amendement au PLFSS2021 qui propose d’appliquer la première solution (ajouter le mot « psychomotricien ». Notre demande a été relayée par plusieurs députés, que nous remercions chaleureusement pour leur soutien. Toutefois, le Ministère de la Santé a émis un avis défavorable à cet amendement, car il refuse pour le moment que la solution soit imposée via le PLFSS2021, prétextant que la mesure « représente une charge supplémentaire » pour la CIPAV. L’amendement n’a donc pas été retenu.

Néanmoins, la proposition de cet amendement a réactivé les échanges avec la DSS, échanges qui se poursuivent aujourd’hui. Nous sommes actuellement dans une attente d’arbitrage de la part du Ministère de la Santé aux alentours de la mi-décembre. Cet arbitrage devra déterminer la réponse à apporter à cette problématique. La CIPAV est également informée de la situation et nous avons aujourd’hui des retours confirmant que cette dernière considère bien les psychomotriciens comme une profession réglementée, devant à ce titre être affiliés chez eux et non au régime général. Ceci explique pourquoi certains psychomotriciens qui ont demandé à changer de régime ont été déboutés.

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